la politique
expliquée aux enfants
(et aux autres)

un livre de Denis Langlois

Les opinions politiques et les partis (édition de 2017)


En écoutant les discours, les déclarations à la radio et à la télévision, en consultant les blogs sur Internet, tu as peut-être l’impression que tous les hommes politiques pensent et disent à peu près la même chose. En fait, il y a des différences importantes. Je vais essayer de te les expliquer.
Tu as souvent entendu parler de la droite et de la gauche. Qu’est-ce que cela signifie en ce qui concerne les opinions (ce qui est souvent différent des actes, nous le verrons plus loin) ?
En simplifiant énormément les choses, on peut dire que les gens de droite pensent que les inégalités qui existent entre les hommes ont toujours existé et existeront toujours. Il y aura toujours des riches et des pauvres. On peut le déplorer, mais c’est inévitable. C’est même ce qui fait progresser la société, car cela crée une compétition entre les êtres humains. Il faut, disent-ils, essayer d’améliorer la situation des pauvres, mais lentement pour ne pas bousculer la société et risquer de détruire son équilibre et son ordre. C’est seulement de cette façon, en augmentant les richesses de l’ensemble de la société, que l’on parviendra à diminuer le nombre des chômeurs.
Les gens de gauche, eux, parlent de changer la société, de la faire progresser vers plus de justice. Ils pensent que l’on peut supprimer ou du moins diminuer les inégalités, faire en sorte que les riches soient moins riches et les pauvres moins pauvres, que chacun ait un emploi correct et convenablement payé. Ils sont pour un partage plus équitable des ressources du pays, ce qui à leurs yeux est la véritable solution pour diminuer le chômage. Si les travailleurs sont mieux payés, ils achèteront plus de choses, ce qui amènera la création de nouveaux emplois pour les fabriquer.
Il y a de nombreux autres points sur lesquels la droite et la gauche ne sont pas d’accord. Le problème des libertés, par exemple. Être de gauche, c’est souhaiter que les hommes soient le plus libres possible, à condition de ne pas empiéter sur la liberté des autres. Cela ne veut pas dire que la droite soit opposée aux libertés. Un homme de droite peut estimer que chacun doit être libre de faire tout ce qu’il a envie de faire : s’amuser, voyager, s’habiller comme il veut, voir n’importe quel film, lire n’importe quel livre. Mais comment faire tout cela, demandent les gens de gauche, lorsqu’on n’a pas d’argent, lorsqu’on a déjà du mal à se nourrir et payer son loyer, lorsqu’on est fatigué en rentrant de son travail ?
Le problème important reste donc celui du partage des ressources du pays et de l’égalité entre les gens qui vivent dans ce pays. C’est la principale différence que l’on trouve dans les discours de la droite et de la gauche. Mais il ne faut pas oublier des questions comme celle de la morale, de la famille, de la justice ou du maintien de l’ordre ou bien encore l’attitude vis-à-vis des étrangers.
Pour chercher à être plus efficaces, pour faire triompher leurs idées, toutes ces personnes se réunissent dans des groupes, les partis. Certains sont nombreux et rassemblent des centaines de milliers de gens, d’autres sont minuscules et réunissent quelques dizaines de membres seulement. (Il y a même des partis qui ne rassemblent personne en dehors de celui qui les a créés. Cela suffit à son bonheur : il est président de son parti.)
Là aussi, on retrouve la grande division entre droite et gauche. À droite, selon qu’on souhaite maintenir plus ou moins les inégalités et la discipline, on est conservateurs ou libéraux. À gauche, selon qu’on souhaite supprimer plus ou moins les inégalités, on est socialistes ou socio-démocrates. Bien sûr, dans la réalité, les choses ne sont pas aussi simples. Il y a souvent des différences importantes entre ce que disent les hommes politiques et ce qu’ils font, lorsqu’ils ont été élus. (Un homme de gauche peut très bien alors se comporter exactement comme un homme de droite et ce que je t’ai dit à propos des différentes opinions n’a plus beaucoup d’importance.)
Il y a aussi des gens qui hésitent, qui se disent ni de droite ni de gauche. Ils sont, déclarent-ils, du centre. Ils peuvent être sincères, mais souvent c’est une façon d’essayer de tromper les autres, comme l’on dit dans une guerre « Je suis neutre », mais en souhaitant que l’un des adversaires l’emporte sur l’autre.
Il existe également des partis que l’on appelle extrémistes. Ceux d’extrême-droite (par exemple, en France, le Front National) souhaitent une société où l’ordre et la discipline régneront sous la direction de chefs puissants. Ils n’aiment pas les étrangers, qui pour eux sont des envahisseurs imposant leur mode de vie et leur religion, et voudraient qu’ils s’en retournent chez eux.
Ceux d’extrême-gauche, pensent que les inégalités entre les hommes ne peuvent disparaître que si l’on remplace la société actuelle par une autre profondément différente. Ils ne pensent pas que l’on puisse y parvenir par des réformes, de lentes améliorations, mais seulement par des bouleversements révolutionnaires.
Un peu en dehors de ces partis, mais faisant alliance avec certains d’entre eux au moment des élections, on trouve les écologistes qui s’intéressent aux problèmes de la nature, à la pollution, à tout ce qui détériore le monde dans lequel nous vivons. Il existe aussi un mouvement altermondialiste qui est apparu plus récemment et souhaite que le commerce international ne se fasse pas au seul bénéfice des riches et des puissants, mais aide les pays les plus pauvres à sortir de la misère.
Tu vois donc que les positions de tous ces partis – et je ne t’ai parlé que des principaux – ne sont pas les mêmes. Il y a des différences importantes, comme en classe tous les élèves ne pensent pas la même chose et se rassemblent parfois en petits groupes.
Devant toutes ces divisions, toutes ces opinions contraires, il t’est peut-être arrivé de penser qu’il y avait trop de partis. C’est sans doute vrai, mais il vaut mieux qu’il y en ait trop que pas du tout, comme cela se produit dans certains pays où il est interdit d’avoir des activités politiques, sauf celle de dire que le gouvernement en place est le meilleur qui puisse exister. Les partis sont importants dans la mesure où ils permettent à ceux qui en sont membres d’agir pour organiser la société de la manière qu’ils souhaitent. Seuls ils ne pourraient rien faire, regroupés ils peuvent agir de façon efficace ou simplement exprimer avec plus de force leurs opinions.
Il y a des gens qui disent : « Moi, je n’ai pas d’opinions. Je ne fais pas de politique. » C’est une erreur ou une hypocrisie. Tout le monde a des opinions politiques. Toi comme les autres. Dire que le prix des marchandises augmente trop vite, c’est faire de la politique. Dire qu’il y a trop de voitures dans les rues et qu’il vaudrait mieux les remplacer par des transports en commun, c’est faire de la politique. Dire qu’on a tort de supprimer les écoles de campagne pour regrouper les élèves dans des écoles plus importantes, mais très éloignées, c’est faire de la politique.
La politique, c’est simplement ta vie et celle des autres. La manière dont les gens s’organisent pour vivre ensemble. Affirmer « Moi, je ne fais pas de politique », c’est comme dire « Moi, je ne respire pas ».
Avoir une opinion politique est quelque chose d’important. On ne choisit pas une opinion comme on choisit la couleur d’une cravate ou la marque d’une chaussure de sport. On ne choisit d’ailleurs pas une opinion. C’est quelque chose qui existe au plus profond de nous. C’est la façon dont nous réagissons devant ce qui se passe sous nos yeux, une discussion, une injustice, une manifestation dans la rue. Une opinion, c’est un morceau de nous-même.
Alors, tes opinions, défends-les résolument. Ne laisse personne empiéter dessus, même si cela doit t’attirer quelques ennuis. Ne cherche pas à singer les autres. Interroge-toi chaque fois que tu dois te prononcer. Pèse bien le pour et le contre. Ne va pas adopter l’avis de tel camarade, uniquement parce qu’il parle bien, parce que c’est un bon copain ou pour faire comme les autres. Ne te laisse pas, comme on dit, « bourrer le crâne ». Ne sois pas une girouette qui tourne au moindre vent.
Beaucoup d’enfants adoptent les opinions politiques de leurs parents. « À la maison, on pense comme ça. Donc je dois penser comme ça. » Cela peut être un bon choix, mais cela peut être aussi un mauvais choix. Ce qui est important, ce n’est pas ce que tes parents ou d’autres personnes pensent de tel ou tel problème : c’est ce que tu penses, toi.
Cela ne veut pas dire qu’il faut mépriser les opinions des autres. Tu as un avis, ils sont libres d’avoir le leur. Laisse-les parler. Écoute-les. Pose-leur des questions. Si tu penses qu’ils sont dans l’erreur, essaie de les convaincre. Mais si tu estimes qu’ils ont raison, reconnais-le. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent jamais d’avis. Si on te prouve que tu as tort, il serait stupide de persister dans ton erreur.
Mais surtout n’accepte jamais une opinion sans avoir longuement réfléchi. n’affirme jamais quelque chose qui ne vient pas de ta propre tête. Tu es capable d’avoir un avis sur beaucoup de choses. Pourquoi alors jouer au perroquet qui répète les mots qu’il a entendus à la télévision ou lus sur Internet ?
Si, après avoir réfléchi, tu n’as pas d’opinion sur un problème, si dans une discussion tu ne sais pas qui a tort et qui a raison, dis-le aussi. Il n’y a pas de honte à cela. Ne te rallie pas forcément à l’avis de ceux qui sont les plus nombreux. Rien ne prouve qu’ils ont pour cela raison.
Ne dis pas : « Je pense comme ceci ; mais ceux qui pensent le contraire sont plus puissants, je vais donc me taire ou bien les suivre. » Ne sois pas le mouton qui suit le troupeau. Regarde avant où il va.
Essaie aussi, dans la vie de tous les jours, d’être en accord avec tes opinions. Si tu es pour la liberté, ne te montre pas autoritaire avec ton petit frère, ne prends pas ta mère pour ta domestique. Si tu es contre le racisme, ne refuse pas de jouer avec les petits Noirs ou les petits Arabes de ton quartier (ou avec les petits Blancs, si tu es Noir ou Arabe). Si tu es un garçon partisan de l’égalité, ne traite pas les filles en inférieures.
Ce n’est pas toujours facile, mais c’est la seule façon d’être honnête avec toi-même, de respecter tes opinions, d’en faire autre chose que des mots creux et hypocrites.



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